Entretien avec Benjamin Dutreux, jeune skipper vendéen classé 12ème de la course.

Bonjour Benjamin, avec l’expérience et le recul que vous avez désormais acquis, quels ont été les moments forts de cette course ?

Cette compétition a été incroyable. C’est ma troisième Solitaire et il y a eu des moments très forts. On a eu un gros coup de vent allant jusqu’à 50-55 nœuds pendant la première étape, en passant le plateau de Rochebonne. Dès la première étape, il y a eu plusieurs abandons, et les quatre nuits de la dernière étape ont été compliquées mentalement et stratégiquement car il y avait très peu de vent.

Selon vous quelles doivent être les qualités premières d’un skipper ?

C’est une excellente question : si je connaissais toutes ces qualités, je serais probablement le meilleur. Je pense que l’envie est très importante sur ce genre de course : si on n’a pas la « niaque » et l’envie de bien faire, on lâche dès qu’il faut aller dormir. Il y a plein de moments où il faut rester sur le pont. On passe par des tas d’émotions sur la Solitaire : des moments de joie comme des moments où on se demande pourquoi on ne réussit rien. Il faut faire preuve de patience, savoir rebondir même dans les moments difficiles, et s’adapter à toutes les situations : météo, changement de voile … Le meilleur skipper est celui qui gère le mieux ses priorités.

Comment gérez-vous votre sommeil ?

On dort peu et cette gestion est très importante, il faut très bien se connaître. J’ai fait une très belle dernière étape jusqu’à la dernière nuit, où j’ai craqué car j’avais mal géré mon sommeil depuis le début. Je n’avais plus assez d’énergie pour réussir à prendre les bonnes décisions stratégiques et être lucide. Il n’y a pas eu de vent pendant 36 heures. C’est typiquement le genre de moment où il ne faut pas dormir : on doit jouer contre les courants, autour des cailloux sur la Pointe Bretonne, puis on traverse la Manche où il y a le Rail etc.

Crédits : Christophe Breschi

Quelle est l’organisation à bord ?

Elle est très spécifique. Cette course veut qu’on ait tous les mêmes chances : on a tous les mêmes bateaux, les mêmes droits de poids à embarquer. Il faut aussi compter le matériel de sécurité et nos affaires. C’est une vraie organisation stratégique et à bord tout est dans des sacs qu’on peut mettre d’un côté ou de l’autre du bateau pour qu’il soit plus performant.

Les prochaines étapes ?

Je termine ma Solitaire et le résultat est correct, mais je suis un peu déçu : je suis un compétiteur et j’ai envie d’être devant. Certains bateaux ont pris un réel ascendant sur la vitesse car ils ont très bien travaillé cet hiver. La première chose que je me suis dite à l’arrivée de la Solitaire, c’est qu’il faut que je travaille beaucoup cet hiver pour revenir sur cette course l’année prochaine. Il reste deux courses cette saison pour commencer à trouver d’autres pistes de travail – mon carnet en est déjà rempli. Après ces deux courses, c’est le moment où il faudra travailler et ne pas se reposer. Mon rêve, ce serait d’aller sur le bateau les yeux bandés et d’avoir tous les automatismes pour gagner.

Depuis quand collaborez-vous avec Eoliennes en Mer Iles d’Yeu et de Noirmoutier (EMYN)?

Depuis trois éditions de la Solitaire. En 2015, je n’avais encore jamais fait de course au large. J’ai remporté la sélection Team Vendée, qui permettait aux jeunes de mettre les pieds dans le circuit Figaro Bénéteau. J’ai gagné cette sélection qui mettait à disposition un bateau et une bonne partie de financement pour la saison, mais pas tous les financements. C’est là que j’ai commencé mon démarchage pour trouver des partenaires : Eoliennes en Mer Iles d’Yeu et de Noirmoutier est mon partenaire historique et le premier à m’avoir fait confiance en dehors du Team Vendée.

En tant qu’islais d’origine, comment percevez-vous l’arrivée du parc éolien en mer au large des îles d’Yeu et de Noirmoutier ? Quel lien faites-vous entre la mer et les énergies renouvelables ?

On en discute beaucoup. En voile on utilise énormément le vent pour créer de l’énergie, c’est une chose complètement logique. Le vent est une force naturelle qui sera là tout le temps et qu’il faut utiliser. Ça me touche directement car on fait presque le même métier : pour EMYN il s’agit de créer de l’énergie, pour moi de faire avancer mon bateau.